Un p'tit moment que j'avais pas mis de suite, mais j'ai plutôt galéré pour l'écrire... Mercii de me lire Eussé et de me conseiller...
CHAPITRE 2
Je m’y trouvais enfin, devant cette porte que j’avais rêvé de voir depuis tant d’années. On m’avait souvent répété, que je ne vivais que d’illusions, et pourtant j’avais persisté dans mon entêtement et j’y étais enfin. Malgré la tâche qui m’attendait à présent, mon coeur se fit plus léger. Je ne pus attendre le matin pour frapper et découvrir le visage d’un être que je n’avais pu me représenter jusqu’à présent que grâce à une statue immobile et muette, sans vie.
J’entendis une chaise heurter le sol et une démarche hésitante se dirigeait ver l’entrée. J’attendis encore un peu puis la voix d’une vieille femme s’éleva:
_ Qui est là?
_ Bonjour madame, je m’appelle Lario...
Il y eut un silence comme-ci la femme cherchait dans sa mémoire le souvenir d’un homme se prénommant ainsi:
_ Je ne connais personne de ce nom!
Elle entrebâilla tout de même la porte; je supposai que la curiosité l’avait emportée sur la prudence. Mon regard se posa alors sur un corps frêle, noueux, vêtu d’une vieille robe de paysanne, plus un haillon qu’un véritable vêtement. Cet être qui se tenait à présent face à moi respirait la fragilité, la douleur et même l’ennui.
S’il n’y avait eu ces grands yeux gris, que l’on m’avait si souvent décris, j’aurai cru m’être trompé de personne.
_ Qui êtes-vous?
_ Je suis écrivain, j’aurais des questions à vous poser...
C’était une entrée en matière un peu brutale, surtout à cette heure avancée de la soirée, mais il fallait que j’éveille son attention, pour qu’elle ne me claque pas la porte au nez ou ameute tout le voisinage. Elle resta interdite l’espace de quelques secondes, avant de répondre:
_ Je n’ai rien à dire. Que recherchez-vous?
Elle semblait s’apprêter à me congédier mais j’attaquai de façon encore plus directe:
_ Loé, vous êtes bien Loé?
Alors l’expression de son visage changea. Je ne sus déterminer quel sentiment l’emportait en elle, la peur, l’incrédulité, probablement la curiosité. Toujours est-il qu’elle me fit entrer sans attendre.
Je pénétrai dans une pièce à la pauvreté évidente. Une petite cheminée à l’âtre noircie par le manque d’entretien dans un coin, un lit, une chaise, une table, quelques ustensiles de cuisine et la maison était décrite. J’aperçus un petit tas de livres dans un coin, me demandant comment elle avait réussi à se les procurer. L’endroit n’était que solitude et désoeuvrement.
Je me tournai vers cette vieille femme à la chevelure immaculé retenue par un simple chignon, vers ce visage ridé qui semblait regretter d’être encore en vie. Elle m’invita à m’asseoir et attendit. La patience ne devait cependant pas être une de ses qualités car elle finit par lancer, voyant que je ne réagissais pas, dans le silence devenu pesant, d’une voix chaude bien qu’éraillée par le temps:
_ Comment me connaissez-vous?
_ Je viens de Cardane... Je cherche à vous réhabiliter...
Loé me scruta, soupçonneuse avant de répondre:
_ Pour qui vous prenez-vous? Vous ne croyez pas que c’est assez douloureux d’avoir été exilé sans qu’en plus des gens indiscrets et impolis de votre sorte viennent remuer le passé?
Je restai interdit devant cette tirade si directe. Je n’avais pas pensé à ce genre de difficultés quand j’avais entrepris le projet de la retrouver, et j’eus honte de ma présomption.
_ Je cherche juste à vous aider, si vous me confiez votre histoire, je pense avoir la possibilité de relancer votre procès...
Il y eut quelques secondes de silence, avant qu’elle ne reprenne la parole:
_ Vraiment? Et pour quelles raisons, je vous prie?
_ Eh bien comme je vous l’ai dit en me présentant, je suis écrivain. Je me suis intéressée à votre cas car quelqu’un m’a parlé de vous, et j’ai entrepris le projet de faire la lumière sur... enfin... à propos de ce qui vous est arrivé...
_ Je crois que tout a été dit au moment du jugement et que c’était parfaitement clair!
Sa voix était sèche, et l’expression qu’elle affichait ne m’encourageait pas à continuer, pourtant je m’obstinai:
_ Justement, j’ai bien étudié les textes de loi et le archives du procès, et j’y ai trouvé des failles! Je pense sincèrement parvenir à ce que l’on revienne sur votre cas de façon plus équitable.
_ Qui vous dit que je le désire?
_ Pourquoi ne le voudriez-vous pas?
_ Cela peut très bien n’aboutir q’à une réitération du précèdent jugement et dans ce cas je me serais fait de faux espoirs.
_ Faîtes-moi confiance, cela n’arrivera pas. Vous allez pouvoir revenir vivre chez vous.
Le visage de la vieille femme prit une expression dubitative:
_ Mon chez-moi c’est ici. J’ai été exilée... Le mal ne pourra jamais être effacé.
Je cherchai désespérément des arguments. On m’avait prévenu pourtant mais je n’avais rien voulu savoir, si sûr de moi:
_ Peut-être que l’on ne peut pas revenir en arrière mais on peut tenter de réparer quelque peu... Rétablir les faits.
Loé resta songeuse plusieurs minutes. Je ne pouvais deviner ses pensées mais je sentais que quelque chose bougeait au fond d’elle. Ce qu’elle avait pu être à l’heure de sa gloire, cherchait à sortir à la surface. Quand elle releva ses yeux vers moi, je vis la flamme qui s’était rallumée dans son regard. Elle illuminait son visage, devenu méconnaissable.
_ Qu’est-ce qui me prouve que vous n’êtes pas juste un profiteur, cherchant à faire fortune sur le dos des gens?
Je m’attendais à cette question, et je savais donc ce que je devais répondre:
“Oh Atlantis,
Ville des poètes,
Cité de lumière
Oh Atlantis,
Bénis des dieux”...
Loé éclata de rire. Un rire presque nostalgique, sans joie réelle, mais je sentais que j’avais marqué un point. Si j’avais encore des doutes sur l’identité de cette vieille femme, à présent, ils étaient tous envolés. Drefal l’avait prévu: “cite-lui ce bout de phrase, si elle ne te fait pas confiance... Elle se mettra à rire et te fera un petit commentaire méprisant...” Et en voyant cette prémonition se réaliser, je compris la complicité qui avait existé entre ces deux être... Ou du moins j’en saisis une infime partie.
_ Quelle horreur... Une véritable insulte à Maedia...
La référence à la déesse des arts me fit sourire. Elle n’avait pas perdu les bonnes habitudes de son peuple qui ramenait tout aux différents dieux, et ne pouvait s’empêcher de les citer à tout va.
_ Tu connais Drefal?
_ C’est lui qui m’a parlé de vous, et m’a aidé à retrouver votre trace...
Elle poussa un soupir de regret:
_ J’aimerais tant le revoir rien qu’une fois avant de mourir!
Je sautai sur l’occasion:
_ Justement si vous acceptiez de m’aider, vous pourriez faire plus que le revoir, vous pourriez à nouveau vivre avec lui!
Elle plongea son regard empli de tristesse dans mes yeux attentifs, et je pus y lire une pointe d’espoir... infime certes... mais l’espoir était là et je sus que j’avais remporté la première phase de la guerre. Elle allait me raconter son histoire...
_ Que voulez-vous savoir?
_ Tout... depuis le début...
Loé réfléchit quelques instants.
_ Je crois que le mieux serait de remonter, à l’époque où je vivais encore parmi ma tribu natale.
J’acquiesçai et me saisis de parchemins et d’une plume qui se trouvaient dans mon sac. Elle aperçut alors la figurine qui m’avait permis de la retrouver:
_ Qu’est-ce que c’est?
Je me saisis de l’objet et le lui tendis sans un mot. Elle suivit le contour de la statuettes du bout du doigt, dans un geste plein de douceur. Les larmes lui montèrent aux yeux.
_ C’est grâce à elle que vous êtes parvenue à me dénicher? C’est probablement Maden qui vous a indiqué ma présence... C’est une gentille fille... Mais son mari est stupide et j’ai bien peur qu’elle n’ait des problèmes un jour à force de traîner en dehors de la ville à la nuit tombée...
Je la laissai parler, préparant mes affaires pour recueillir les secrets qu’elle allait me délivrer.
J’ai écris pendant plusieurs heures, sans m’arrêter. J’ai peu à peu découvert cette femme qu’était Loé... Belle et colérique. Imparfaite et pourtant merveilleuse. Je retranscris à présent au propre ce qu’elle m’a confié car j’en suis certain à présent, elle ne méritait sûrement pas de finir sa vie dans une vielle chaumière, dans la solitude et la pauvreté. J’écris donc pour elle, pour Drefal que j’affectionne comme un père, et pour moi aussi..